samedi 5 janvier 2013

Ma fille s'appelle Jyoti Singh Pandey

Le père de la victime du viol en Inde  veut que le monde sache que sa fille s'appelle Jyoti Singh Pandey  
Article original par Nada Farhoud et Jalees Andrab pour The Sunday People

Un père anéanti explique au journal The Sunday People qu'il espère qu'en révélant son nom cela donnera du courage à d'autres femmes ayant survécu à une telle attaque.
Badri Singh Pandey, père de Jyoti Singh Pandey. Couverture Asia Press/Shariq Allaqaband.
Shariq Allaqaband

Le monde la connait seulement sous le nom de la Fille de l'Inde qui a été violée en bande et tuée.
Mais aujourd'hui, avec la permission de son père anéanti, nous pouvons révéler son nom : Jyoti Singh Pandey.
Badri, un père courageux de 53 ans  explique à The Sunday People
"Nous voulons que le monde connaisse son véritable nom. Ma fille n'a rien fait de mal, elle est morte en se protégeant elle-même."
"Je suis fier d'elle. Révéler son nom va donner du courage à d'autres femmes qui ont survécu à ces attaques. Ma fille leur donnera des forces."
The Sunday People a interviewé Badri et sa famille dans leur village ancestral de la Dre Billia situé dans le nord de l'Inde dans l'Uttar Pradesh.
Badri Singh Pandey, père de Jyoti Singh Pandey, avec sa famille
Shariq Allaqaband
Ils se sont retirés ici pour porter le deuil loin de leur maison de Delhi, un endroit qui leur rappelle constamment l'agression sexuelle barbare dont Jyoti a été victime après être montée dans un bus avec un ami.
Son épouse Asha, 46 ans, était trop choquée pour parler.
Badri raconte : "Au début, je voulais me retrouver face à face avec les hommes responsables, mais je ne le souhaite plus. Je veux juste entendre qu'un tribunal les a punis et qu'ils vont être pendus."
"La mort pour tous les six Ces hommes sont des bêtes. On devrait en faire un exemple montrant que la société ne tolèrera pas ce genre de choses."
Lorsqu'il se souvient du jour où il a eu connaissance du calvaire de sa fille unique, Badri dit qu'il venait de rentrer un peu après 22h30 le 16 décembre après son service à l'aéroport de Delhi où il travaille.
Sa femme s'inquiétait que Jyoti, étudiante en médecine, ne soit pas rentrée après le cinéma.
Des Indiens participent à une veillée
AP
Badri raconte : "On a commencé à appeler son portable et celui de son ami, mais il n'y a pas eu de réponse."
"Puis à 23h15, nous avons eu un appel de l'hôpital de Delhi nous disant que notre fille avait eu un accident."
Badri a demandé de l'y conduire à moto.
Il explique : "Lorsque je l'ai vue pour la première fois, elle était au lit avec les yeux fermés."
"J'ai mis ma main sur son front et l'ai appelée par son nom. Elle a lentement ouvert les yeux et a commencé à pleurer en disant qu'elle souffrait.
"J'ai retenu mes larmes. Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter, d'être forte et que tout se passerait bien."
Nos mères, soeurs et filles ne sont pas en sécurité dans notre propre pays l'Inde, c'est inacceptable et honteux              AP
Une famille indienne allume des bougies à la mémoire de la victime du viol collectif à New Delhi, Inde 

A ce moment là, Badri ne savait toujours pas ce qu'il s'était passé. Un policier le lui a finalement expliqué. Jyoti et son ami Awindra Pandey, 28 ans, étaient montés à bord d'un bus pour rentrer chez eux, mais ont été embarqué sur la route de l'enfer pendant deux heures et demi par le pilote, son assistant et quatre passagers.
Tout deux ont été battus avec des barres de fer et Jyoti a été violée à maintes reprises avant d'être dépouillés et jetés sur une route menant à l'aéroport de Delhi - pas loin d'où travaillait Badri.
Il explique : " J'ai immédiatement appelé ma femme et mes fils pour leur dire de venir à l'hôpital. Mais je ne pouvais pas leur dire pour le viol."
Pendant les dix premiers jours Jyoti était parfois consciente et on avait bon espoir qu'elle puisse survivre. Badri raconte : "Les médecins ont fait de leur mieux pour la sauver. Elle a parlé quelques fois, mais surtout par des gestes. Elle avait un tuyau d'alimentation dans la bouche ce qui la gênait pour parler."
"Elle a écrit sur du papier qu'elle voulait vivre, qu'elle voulait survivre et rester avec nous. Mais c'est le destin qui a eu le dernier mot à la fin."
Jyoti a fait deux déclarations à la police, mais Badri était trop bouleversé pour rester assis à écouter ce que sa fille avait subi.
Cinq hommes ont été officiellement inculpés du meurtre, de l'enlèvement et du viol collectif de Jyoti.
  " Ma femme était avec elle pendant les dépositions mais elle a tellement pleuré après avoir tout entendu ..."
" Elle m'a ensuite raconté ce qui s'était passé. Je n'ai pas les mots pour décrire l'incident. Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils ne sont pas humains, pas même animaux. Ils ne sont pas de ce monde."
" C'était tout simplement horrible et j'espère que personne n'aura à endurer ça."
"Elle criait beaucoup, elle souffrait beaucoup. Et quand elle a vu sa mère et ses frères, elle a encore pleuré."
"Mais après ça elle était une fille courageuse, elle essayait même de nous consoler et de nous donner l'espoir que tout allait bien se passer."
Les médecins ont été contraints de retirer les intestins de Jyoti et comme son état s'aggravait, ils l'ont envoyée par avion à Singapour le lendemain de Noël pour des soins spécialisés.
Badri raconte : "Je lui ai dit que tout allait bien se passer et que nous serions bientôt chez nous. Elle était enthousiaste quand on parlait de rentrer et elle souriait."
"J'ai mis ma main sur son front, elle m'a demandé si j'avais dîné, puis elle m'a fait comprendre d'aller dormir. J'ai tenu sa main et l'ai embrassée. Je lui ai dit de se reposer et de ne pas s'inquiéter et elle a fermé les yeux."
 
Jyoti a été emmenée au Mount Elizabeth Hospital pour des soins avant sa mort
Rex
Tandis que Jyoti se battait pour sa vie, des milliers de personnes sont descendus dans la rue pour exiger la pendaison des six accusés et une nouvelle loi contre le viol. Mais trois jours plus tard, le 29 décembre elle a eu une crise cardiaque à l'issue fatale.
Badri raconte : " Je voulais si désespérément qu'elle survive, même si elle aurait du à vivre avec un souvenir de cette attaque et gérer ce traumatisme.
"Nous sommes si bouleversés qu'elle ne soit plus là. Il y a un vide immense dans nos vies. Elle a été au centre de notre univers. Nos vies tournaient autour de la sienne.
"Son absence est si douloureuse, un avenir sans elle est inimaginable."
Badri explique que l'ami de Jyoti, Awindra, n'était pas son petit ami - juste un ami très courageux qui a tenté de la sauver.
Il explique : "Il n'était pas question de mariage car nous appartenons à des castes différentes.
Elle n'a jamais exprimé le désir de se marier. Elle se concentrait sur ses études et voulait un premier travail."
Badri révèle également que Jyoti a souvent mentionné combien Awindra a tenté de la sauver.
 

Un participant allume une bougie à côté d'un panneau au cours d'une veillée pour Jyoti
Reuters
"Elle n'arrêtait pas de dire à sa mère qu'il avait fait de son mieux, mais ils l'ont tabasser à coups de barre de fer."
Badri chérit désormais les souvenirs de sa fille. Il se souvient de son rêve de devenir médecin.
Il explique : "Je lui avais dit que je n'avais pas les moyens de payer pour ça, mais elle était déterminée. Elle voulait être un médecin, gagner beaucoup d'argent et aller souvent à l'étranger."
Lorsque Badri est arrivé à Dehli en 1983, il gagnait 150 roupies par mois, soit l'équivalent de 1,70 € aujourd'hui.
Mais il a vendu certaines de ses terres pour payer les études de sa fille, et a épargné autant que possible sur ses 5 700 roupies (€ 65) par mois qu'il gagne à présent.
Badri raconte : "C'est difficile de vivre à Dehli avec mon salaire, très dur. Mais Jyoti disait qu'elle allait changer tout cela. Elle voulait changer nos vies une fois qu'elle aurait un travail."
Jyoti avait à peine terminé ses de quatre ans de physiothérapie dans une université à l'extérieur de Dehli. Elle faisait un stage quand elle a été attaquée.
Ses frères, Gaurav Singh, 20 ans, et Saurav Singh, 15 ans, étaient proches de leur grande sœur et n'imaginent pas comment ils vont pouvoir faire face à la situation.
Gaurav : "La vie va être si difficile sans elle. Sans ses conseils, je ne sais pas quoi faire ni comment mener ma vie à présent."
Badri et toute la famille ont été touchés par la façon dont la nation les a soutenu.
 Des manifestants indiens brulent une effigie représentant les violeurs lors d'un rassemblement
Il explique : "Le peuple de l'Inde nous a donné la force pour faire face à notre perte. Je pense qu'elle n'est pas seulement ma fille mais également la fille de l'Inde.
Je lisais  les articles sur les viols dans les journaux, mais ne les digéraient jamais vraiment. Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui sont venus pour protester contre la barbarie."
Des tests d'ADN ont fait la preuve du lien des cinq hommes et d'un autre de 17 ans présents dans le bus pour le viol et le meurtre. Les hommes paraitront devant la Cour de district dans la zone Saket de la capitale indienne demain. Celui de 17 ans sera jugé séparément comme un mineur.
Badri espère maintenant que les mères et les pères vont apprendre à leurs fils à respecter les femmes.
Il explique : "La police ne peut pas gérer cela toute seule. Mais les parents ont besoin de garder un œil sur leurs enfants aussi."
Le visage de Badri s'est éclairé quand il a parlé des rêves Jyoti et qu'il nous a invité à feuilleter son album de famille. Chaque photo montre sa fille magnifique souriant. Sur la plupart, elle porte des vêtements occidentaux, qu'elle préférait au sari traditionnel . Ses long cheveux noirs et brillant étaient aussi toujours détachés.
En respect avec les souhaits de Badri on ne la dépeint pas.
La diffusion d'une photo sera pour un autre jour.
La loi indienne interdit de nommer une victime de viol à moins qu'elle l'autorise ou, si elle est morte, que sa famille l'accepte.
Pour le moment, pour cette famille dévastée, autoriser la diffusion du nom de leur fille chérie suffit.



Pétition sur avaaz.org : Mettons fin à la guerre de l'Inde contre ses femmes